Arraché.
Le ciel est couvert de symboles ; esquisses
aiguisées par des siècles de fumée, des sourires sans-joie contemplent
l'inlassable marche des hommes. Les rues sont couvertes de cris ; les
murs tremblant de peur et de bruit s'effondrent en périphérie. Au
centre s'élèvent des tours brunes, des tours de cuivre, des usines
vaporeuses et les courbes sensuelles d'une serveuse anonyme, dans un
restaurant sans âge. À chaque rue les mêmes apostrophes, les mêmes
éclats de rire sevrés de leurs avenirs, et les jambes d'Audrey croisées
à l'affût des murmures. Alex à son oreille « - Je te raccompagne chez
toi? », et comme tous les soirs le soleil tombe alors qu'ils marchent
côte à côte. Le trajet du retour est flou – perdu dans leurs pensées,
tendus l'un vers l'autre en silence ; Une ellipse et de retour chez
eux, le jeune homme dans sa chambre fixe une porte plus petite que lui.
Audrey danse sous les paupières closes, l'iris devient de jade ; Alex
se dit qu'il faudra lui parler de la porte. Demain, promis, ce sera
l'heure des aveux, puis ils pourront se perdre ensemble. Un souffle
plus tard et le voilà de l'autre côté ; ses genoux tremblant doivent se
réhabituer, l'air doit s'accrocher aux poumons ; la tête lui tourne un
peu. C'est bien l'endroit qu'il a déjà visité, le même que les soirs
précédents. Le soleil décline et donne aux murs de la maison des
reflets mauves, les carreaux opaques empêchent de voir à l'intérieur,
mais Alex ne les quitte pas du regard. Il connaît par cœur la moindre
Acanthe du jardin ; la moindre rose, le moindre cosmos ; Il n'est pas
venu pour elles. Rampant à travers les fleurs sauvages, il s'approche
de la maison puis se redresse face aux carreaux de la fenêtre.
Plusieurs heures semblent s'écouler mais la nuit tarde à tomber – Alex
garde espoir ; il n'a jamais été déçu. Ils apparaissent enfin de
l'autre côté de la vitre ; les yeux gris sans visage ; le regard
implacable du spectre, puis les contours se précisent et dévoilent des traits d'une beauté sans égale. La vitre s'évapore devant le corps
tremblant du visiteur ; un voile noir heurte ses pupilles et il doit
s'accrocher au rebord de la fenêtre pour ne pas s'effondrer. Ses jambes
coupées par un immense frisson d'extase ; son crâne explose enfin. Le
décor disparaît alors, ainsi que l'homme entre les bras d'Alex. Son
regard de fer palpite encore quelques minutes à l'esprit du jeune
homme, effondré sur le sol, haletant, le rouge aux joues. Audrey danse
sous les paupières closes, l'iris devient de jade ; Alex se dit qu'il
faudra lui parler de la porte. Demain, promis, ce sera l'heure des
aveux, puis ils pourront se perdre ensemble.
[...]