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Journal sans détails
19 juillet 2011

Je me souviens déjà du présent.

Voilà que s'effondre en couleurs notre palais de nuage, et que tombent nos serviteurs. On a servi sur la table des viandes avariées, des mets de choix qu'un chien n'aurait pas approché, puis on s'est gavé des moisissures que l'ivresse rendait séduisantes. Je suis malade à présent, gardant l'espoir qu'on ne cesse de vivre que lorsqu'on a perdu le pouvoir de supprimer en soi toutes choses.

On bâtira sur les cendres au goût de fleurs des jardins plus beaux encore. Ici, les bancs sur lesquels j'irai seul oublier mes vies antérieures, et j'irai seul au village où trainent les fantômes qui me connaissent et craignent mon souvenir. Là-bas, dans les chambres sans dessus-dessous, il y a l'alcool et les esclaves qui ne savent pas, tournant leurs têtes pour que tournent les nôtres.

J'oublie jusqu'à la première injure le premier coup, mais je ne sais pas oublier les parfums. Il y en parfois dans les rues qui me frôlent et j'ai comme un python dans l'estomac qui digère, qui digère toutes ces choses passées que la pluie lave après mes pas. « Merci, mon Dieu » murmuraient les cheveux pourpres où je voyais d'heureuses prémonitions, comme un aveugle qui soudain distingue une main dans ses doigts. Ici, des salles immenses où dansent des bêtes à qui l'on prête nos sentiments, ceux dont nous n'avons pas besoin, ceux qui nous encombrent.

Terre! Voyez ces terres arides et ces champs désolés ces tours en ruines ces silhouettes hagardes qui portent mon visage pour le jeter au puits. Voyez ce miracle tant de fois rêvé. Voyez où nous menèrent l'hésitation la peur les esclaves les chants, qu'ont-ils fait de la poésie? Des feux pour éclairer leur crasse, réchauffer leurs corps bossus dans l'antre chaude où je n'étais pas. J'étais ailleurs, et j'y croisais des hommes qui ne parlaient pas. Partout, des fleurs disséminaient dans l'air une fumée si forte que je ne garde que des sensations.

Je sais qu'à l'heure de mon prochain voyage, au moment de l'extase, surgiront dans mon crâne les beaux envahisseurs, deux, trois, et derrière eux l'ombre que j'irai tenir dans ma paume et serrer pour ne pas qu'elle s'envole. Je voudrais simplement qu'elle chante, qu'elle chante les mauvais augures et les errances comme nous avions coutume de le faire avec légèreté. « Tu sais, viendra l'apocalypse un jour ». Tu ne connais rien de l'apocalypse, tu parles aux morts sans le savoir. 

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